Botanistes d’Alsace

Ochsenbein

Gonthier Ochsenbein

Gonthier Ochsenbein est décédé le 24 janvier 2010 à Strasbourg à l’âge de presque 92 ans des suites d’une lente dégradation de sa santé due essentiellement, surtout dans la dernière période, à la maladie d’Alzheimer. Il était né dans cette même ville, le 22 mars 1918, dans une famille habitant à Cronenbourg où il passa son enfance. Ses parents aimaient la montagne et la fréquentaient à travers les « Vosges-Trotters de Strasbourg » (fondés en 1909), ce qui lui permit d’être introduit dans le milieu, à la fois associatif et naturel, dès sa plus tendre enfance, et de se familiariser, pendant les vacances, avec notamment le massif du Champ du Feu.

Il passa sa scolarité au Gymnase Jean Sturm où il a été marqué à l’âge de 13 ans par le professeur Jean Weirich, enseignant de sciences naturelles. A l’époque, à cet âge-là, on étudiait en classe de 5ème les cryptogames, les mousses, les algues, les insectes, etc. Néanmoins, dès l’âge de 14 ans, il s’est destiné au pastorat, tout en ayant des périodes de doute, car un temps il envisage d’entrer aux « Eaux et Forêts ».

Il fait une « première supérieure » au Lycée Fustel de Coulanges, où il bénéficie d’un enseignement approfondi de latin et de grec et où il utilise aussi son temps pour suivre des cours libres à la Faculté des Sciences, notamment ceux de Henri-Jean Maresquelle. A 18 ans, il débute ses études de théologie, au cours desquelles il est obligé de se réfugier avec la faculté à Clermont-Ferrand en 1939-40. Il obtient son « Baccalauréat de Théologie » avec un mémoire sur « La morale de Kant vue par Schopenhauer ». Il est alors nommé pasteur-administrateur de septembre 40 à avril 42 à Strasbourg-Neudorf, à la suite de quoi, il se met au service de la paroisse réformée de Guebwiller-Soultz où il reste jusqu’en 1951.

Dans l’intervalle, il est devenu membre à titre personnel, à l’âge de 16 ans, des Vosges-Trotters, et comme cette association avait acquis deux chalets, au Champ du Feu et au Bockswasen près du Petit Ballon, Gonthier Ochsenbein passait souvent, à cette époque, à cet endroit. On ne s’étonnera donc pas que la « Flore du Petit Ballon » fit partie des premières séries de publications dans le bulletin des Vosges-Trotters de 1959 à 1961, suivies de celles sur la « Flore du Champ du Feu » de 1961 à 1964. C’est aussi à Guebwiller qu’il fait la connaissance de sa femme, Charlotte, fille d’Eugène Dillmann, Maître-Horloger, avec laquelle il se marie en juillet 1951, et qui sera pendant toute sa vie une épouse dévouée dans toutes les facettes de son existence.

En avril 1951 Gonthier Ochsenbein revient à la paroisse de Neudorf, où il passe le reste de sa carrière professionnelle, jusqu’en septembre 1980. La conjonction de l’animation de la jeunesse qui lui incombe, et la construction d’un 3e chalet des Vosges-Trotters au Schiessroth près du Petit Hohneck, entraînera l’organisation de deux camps d’été de jeunes (qu’il dirige) à cet endroit et favorisera en même temps l’herborisation et les relevés botaniques de la végétation du massif du Hohneck, qui fera l’objet plus tard d’une contribution majeure dans le tome 106/1959 du « Bulletin de la Société Botanique de France », daté de 1961, revue et augmentée pour la publication du Centenaire de l’Association Philomathique, « Le Hohneck », paru en 1963, puis sera intégrée dans la « Flore d’Alsace » (1ère éd. 1965, 2ème éd. 1982). De proche en proche, il visite les lacs des Vosges haut-rhinoises, lesquels font l’objet de deux publications en 1961 et 1965, ainsi que le Grand Ballon (1961) et le Rossberg (1968).

Petit à petit, tous les sites sont visités, autant les collines calcaires que les rieds, les Vosges du Nord que le Sundgau, les forêts rhénanes (qu’il est le premier à décrire) que les tourbières, surtout celles des Vosges lorraines (pour l’inventaire desquelles il collabore pour le compte du Ministère de l’Environnement). Toutes ses investigations ont donné lieu à des publications, et ce parfois dans des bulletins ou des revues inattendus, y compris les plus modestes. Tout en faisant des démarches prospectives d’inventaire, il a aussi eu un souci récapitulatif par la volonté d’intégrer dans ses interprétations les données anciennes élaborées par les botanistes locaux, tels que Himpel, Hummel ou Kirschleger, mais surtout les travaux de Issler, Loyson et Walter qui constituent la substance de base de la « Flore d’Alsace », de laquelle Gonthier Ochsenbein était corédacteur dans le cadre d’une société créée ad hoc , à savoir la « Société d’Etude de la Flore d’Alsace », au sein de laquelle il était d’abord assesseur, puis vice-président et chargé de la mise en forme avec Alice Gagnieu, Edouard Kapp et Paul Jaeger de leurs textes et écrits.

Son observation fine des espèces, l’investigation des lieux reculés, sa connaissance précise du (des) terrain(s), son obstination dans la recherche des relictes et la quasi-permanence de ses pérégrinations botaniques, ont largement contribué à donner de la flore d’Alsace un panorama relativement complet. Bien qu’il ne fût pas un botaniste universitaire, il fut cependant « le meilleur connaisseur de la flore d’Alsace » (selon le titre que lui a décerné Henri Ulrich), et il a été la « personne ressource » par excellence pendant des décennies pour un nombre relativement considérable d’institutions, depuis l’Etat jusqu’aux bureaux d’études, en passant par tous les passionnés de nature et de fleurs qui sont venus le trouver à son domicile où lors de rencontres diverses et avec lesquels il était toujours prêt à partager son savoir. Tout en s’intéressant surtout à la floristique, Gonthier Ochsenbein ne manque pas d’être attentif à la phytogéographie, tant en ce qui concerne les corrélations entre la végétation des Hautes-Vosges avec celles du Massif Central et des Pyrénées centrales, ou encore les rapports entre l’ensemble Alpes-Jura avec les Vosges méridionales, qu’en ce qui concerne la question de savoir si les chaumes des « Ballons » procèdent d’une « calvitie naturelle ou artificielle ». D’ailleurs les recherches sur les liens entre les Hautes-Vosges et les massifs montagneux du Sud, étayées entre autres par l’étude du genre Hieracium qui atteste le caractère subpyrénéen des « subalpines » vosgiennes, ont conduit G. Ochsenbein à se lancer dans un intense travail de cartographie. Cette problématique déjà ancienne l’a également amené à réagir à une publication parue sous la plume du Prof. Arno Bogenrieder dans les « Mitteilungen des Badischen Landesvereins für Naturkunde und Naturschutz » (BLNN) (2001) : « Schwarzwald und Vogesen – ein vegetationskundlicher Vergleich », par une contribution parue dans le tome 38 du « Bulletin de l’Association Philomathique » sous le titre « Hautes-Vosges et Forêt-Noire : des plantes subalpines différentes ». Complémentairement, le Professeur Hartmut Dierschke (« Floristische Rundbriefe » 42, (2008), 2009), dans « Harz, Schwarzwald und Vogesen  gibt es eine subalpine Vegetationsstufe in den Mittelgebirgen ? », considère que dans les massifs de moyenne altitude comme les Vosges, un véritable étage subalpin n’existe pas et qu’il vaut mieux parler d’étage supra-montagnard. Dans le cadre de cette problématique phytogéographique, il est opportun de relever le fait singulier que l’auteur n’a jamais herborisé, ni dans les Pyrénées, ni dans le Massif Central, ni dans le Jura, ni dans les Alpes !

La grande sensibilité de Gonthier Ochsenbein à la nature l’a conduit non seulement à en promouvoir la connaissance de son tapis végétal, mais aussi à la doter de mesures de protection. C’est ainsi qu’il a été co-fondateur du « Comité de Protection de la Nature » en 1956 au sein de l’Association Philomathique, puis co-fondateur, en 1965, de l’ « Association fédérative régionale pour la protection de la nature (AFRPN) » (dont il a été le 1er trésorier), donc bien avant que l’écologisme ne s’installe en France à partir de 1970. Il est d’ailleurs resté fondamentalement un « protecteur de la nature » sans faire de la protection un radicalisme intolérant. Il n’a jamais été traité d’ « écolo ». Encore moins de « Khmer vert »

Depuis 1976, Gonthier Ochsenbein a été membre de l’ « Institut des Arts et Traditions Populaires », chargé des propositions à l’attribution du « Bretzel d’Or » de l’environnement. Il était membre de la Société Botanique de France, Membre d’Honneur des Vosges-Trotters de Strasbourg, Membre d’Honneur de l’Association Philomathique d’Alsace et de Lorraine, Membre d’Honneur de la Société Botanique d’Alsace, Membre d’Honneur de l’association pour le patrimoine du Haut-Florival, ‘S Lindeblätt. Mais il a souhaité ne jamais être président de quelqu’association, quelle qu’elle fût. Il a été nommé Chevalier dans l’Ordre National du Mérite en 1963, sur proposition d’André Bord, d’une part en raison de son attitude courageuse face à l’administration allemande à Guebwiller du temps de la guerre, et d’autre part pour ses travaux scientifiques (remise en 1966). Il a eu la Médaille de « Jeunesse et Sport » en 1983 des mains du Maire Pierre Pflimlin (juste avant la fin de son mandat) pour services rendus aux Vosges-Trotters.

Le Pasteur Ochsenbein a remis, en 2000, la section « Hieracium » (les Epervières) de son herbier à la Société Botanique d’Alsace. Une grande 2ème partie a suivi en 2007. Une dernière partie (jusque là ignorée, ou oubliée) complète cette donation, en mars 2010, le tout représentant environ 6 000 taxons.

Il a été inhumé au cimetière de Cronenbourg le 1er février 2010.

Texte de Théo Trautmann

Ochsenbein (Gonthier) – Titre(s) et profession(s) : Pasteur à Strasbourg-Neudorf (1951-1980) – Dates naissance / décès : 22/03/1918-24/01/2010 – Lieu de naissance : Strasbourg, Bas-Rhin, France – Lieu de décès : Strasbourg, Bas-Rhin, France – Année(s) de collecte : 1939-1999 – Localité(s) de collecte : France (Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Saône, Vosges) – Bibliogr. : Information d’après les étiquettes d’herbier ; Trautmann.

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