Sites botaniques d’Alsace

Les Châteaux forts d’Alsace

La flore patrimoniale régionale et la restauration des châteaux forts

La presse se fait l’écho, régulièrement et depuis quelque temps, des entreprises de restauration des ruines castrales d’Alsace. De nombreux chantiers de nettoyage, d’entretien et de reconstruction se développent sur des sites qui ont été laissés à l’abandon pendant de très nombreuses années, voire des décennies. Ces entreprises sont conduites par des bénévoles réunis ou non en associations de « veille », de « sentinelles » etc. pour concentrer leurs efforts sur cette réhabilitation de monuments médiévaux que les propriétaires ou les collectivités publiques avaient laissé sans soins.

Ce nouvel engouement est soutenu par les associations de développement du tourisme en Alsace pour promouvoir ces sites et attirer le touriste. Les chantiers de restauration dans le Bas-Rhin sont soit en cours d’achèvement soit en cours de réalisation. Des chantiers nouveaux se sont ouverts ou vont s’ouvrir ces prochains mois dans des sites castraux du Haut-Rhin. De nombreux chantiers de restauration bénéficient de l’appui financier des collectivités publiques (communes, départements…) et sont supervisés sur les plans archéologique et architectural par la Direction régionale des affaires culturelles. 

Malheureusement, ces entreprises ont appauvri ou  détruit des éléments de flore parfois protégés ou inscrits sur les listes rouges des plantes menacées. Un cas emblématique est constitué par les travaux qui avaient débuté il y a déjà plus de dix ans à Scherwiller (67) sur les sites du Ramstein et de l’Ortenbourg.  Sans les interventions conjuguées de la Société Botanique d’Alsace et les associations naturalistes, les travaux entrepris auraient vraisemblablement détruit la flore xéro-thermophile de cette colline réputée pour son originalité en Alsace. Soulignons le fait que ces travaux de restauration avaient débuté sans qu’aucune dérogation ait été délivrée pour en autoriser le développement. La Société Botanique d’Alsace et les associations naturalistes (Gerris, LPO…) avaient lancé les premiers signaux d’alerte afin que les services de l’Etat réagissent et mettent en œuvre des mesures encadrant les chantiers et que des mesures compensatoires soient prises pour assurer la pérennité du biotope protégé. Aujourd’hui encadrés par la Commune de Scherwiller et par les services de l’Etat,  ces travaux se déroulent de sorte à limiter les conséquences défavorables sur la flore du site. 

Le développement de ce chantier de restauration du Ramstein a été l’occasion pour la Société Botanique d’Alsace, en lien avec ODONAT, de publier un inventaire de la flore protégée ou menacée connue sur tous les sites castraux alsaciens. Ce travail a été adressé aux associations des veilleurs de châteaux afin qu’elles prennent l’attache des botanistes et des naturalistes avant d’entreprendre des travaux préjudiciables à la pérennité de la flore des ruines castrales qu’elles envisagent de restaurer.

Le Conseil général du Haut-Rhin qui soutient les chantiers dans son territoire de compétence a bien compris les enjeux et a exhorté, lors d’une réunion qui s’est tenue au printemps dernier, les associations haut-rhinoises à se tourner vers les naturalistes avant de procéder aux travaux de nettoyage de la végétation des sites castraux.

La flore patrimoniale des châteaux de l’Alsace médiévale

Les plantes protégées et des plantes menacées de la liste rouge Alsace situées dans les ruines des châteaux d’Alsace ou à proximité

Michel Hoff et Francis Bick

Les Vosges alsaciennes et le Jura alsacien rassemblent plusieurs centaines de châteaux ruinés dont près d’une centaine environ sont encore bien conservés et sont visités par de nombreux randonneurs et touristes (J.-M. Nick, 2016, 2017).

Les ruines sont des écosystèmes particuliers au milieu des forêts. Ce sont des habitats ouverts, ensoleillés, souvent secs et très minéraux. On peut les comparer à des îlots rocheux de granites ou de grès dans une mer de chênes, de pins , de hêtres ou de sapins. Une flore souvent variée a reconquis la plupart des ruines. Plus de 800 espèces y ont été relevées. Parmi les plantes présentes, 127 espèces et sous-espèces sont patrimoniales, il s’agit des plantes protégées au niveau national ou régional (Région Alsace) et des plantes inscrites comme menacées dans la Liste rouge de la Flore d’Alsace. Des espèces patrimoniales ont été trouvées dans près de soixante châteaux ou à proximité immédiate des ruines. Certaines de ces espèces se retrouvent également sur les vestiges des champs de batailles de la première guerre mondiale, mais l’inventaire reste à y faire, aussi bien au Vieil-Armand (Th. Ehret et F. Hensel, 2017) qu’au Linge (F. Hensel, 2018) et aux autres sites comme la Tête des Faux (S. Saur, 2017).

Plusieurs de ces espèces sont menacées par des aménagements, souvent réalisés pour mettre en sécurité les ruines, mais parfois aussi pour les « nettoyer » ce qui enlève parfois une partie de leur attrait paysager, de leur caractère sauvage et de leur intérêt pour la biodiversité. Les fougères, les plantes rupicoles et les mousses saxicoles sont particulièrement menacées.

La localisation exacte de certaines observations sera à vérifier, notamment du fait de confusion entre le nom de la montagne et le nom du château, comme par exemple entre le Hohlandsbourg et le Hohlandsberg, l’Ortenbourg et l’Ortenberg. Le botaniste donne souvent comme localisation un nom d’un lieu-dit ou d’un site, alors que l’observation a été faite dans les environs de ce lieu-dit ou de ce site. C’est également le cas pour les châteaux. L’information est cependant à conserver car les sentiers et chemins menant aux ruines sont également intéressants pour leur flore et menacés par des aménagements.

Certains châteaux non ruinés ont été conservés, comme les châteaux de Birkenwald, de la Petite-Pierre, de la Hunebourg, de Jaegerthal, etc. car ils présentent également la flore caractéristique des rochers et des vieux murs.

La ruine la plus remarquable est l’Ortenbourg, avec 37 espèces patrimoniales, suivi par le Ramstein avec 19 espèces.


A télécharger : La flore patrimoniale des Châteaux forts d’Alsace

La Schlossbliemel – Eranthis hyemalis au château du Landsberg

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